Grenier de Thorondor
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chhhhut faut pas reveiller les Méchants !
 
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 Les cerises

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Nayla
Chef Bulle
Nayla


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MessageSujet: Les cerises   Les cerises EmptyDim 8 Jan - 2:40

Il n'avait jamais dit à personne ce qu'il avait vu ce soir-là, devant le moulin…
Il n’avait jamais parlé à personne de l’insouciance dont il avait fait preuve alors…
Il n’avait jamais même pensé évoquer sa balade dans le bois des cèdres, qui l’avait conduit jusqu’à la scène diabolique.
S’il avait su bien avant que l’homme était recherché par la police municipale, s’il avait su que ce que cet homme là était réellement en train de faire, c’est sans une hésitation qu’il aurait prévenu les autorités. Mais non.

« Je peux avoir du café maintenant? »
Sur un signe de tête du commissaire, un policier en tenue bleue apporta un gobelet brûlant dans lequel pataugeait un café trop clair. Mais la soif qui tenaillait le ventre du vieux Léon ne demandait pas mieux.

Il avait raconté l’histoire au moins une dizaine de fois depuis la découverte du corps. Chacun voulant la réentendre. Puis quand ils l’avaient amené au commissariat, il avait du recommencer depuis le début. Alors pour sûr, il avait soif.

Il avala la boisson en une grimace de dégoût, puis reposa le verre en plastique sur la table. Le commissaire était toujours assis en face de lui, les deux pieds sur le bureau, le scrutant d’un œil qui se voulait intelligent. Pourtant, il gardait son air parfaitement ridicule d’inspecteur incompétent. Jamais ils ne retrouveraient l‘assassin, jamais des hommes aussi incapables réussiraient cet exploit, face à un homme expérimenté et aguerri comme l‘était sûrement le coupable.
«- Mais enfin, reprit le commissaire de sa voix grave, comment n’avait-vous pas pu vous douter que derrière cette scène se dérouler une chose horrible?
-Enfin, je ne fais que vous le répéter! Pour moi, cette scène paraissait sortir de la vie ordinaire. Ce n’est quand même hors du commun de voir une fillet… »
Léon se tut. Quelque chose l’avait stoppé net dans son discours. Le regard du commissaire s’était allumé, ses yeux s’étaient agrandis, une porte avait claqué, et le silence s’était imposé de lui-même dans le poste de police.
Léon vit le commissaire se relever brusquement de son fauteuil et se mettre dans une position proche du garde-à-vous. Ce n’est que quand la porte du bureau se referma que Léon comprit la raison de ce silence.
Un homme venait de faire irruption dans la pièce. Grand, brun, jeune, le vieux témoin avait tout de suite reconnu sa tête pour l’avoir déjà vu dans les journaux. Le divisionnaire en chef avait fait son entrée. Mais avec lui, une poignée de policiers étaient arrivés et tenaient un homme menotté, la tête basse, que Léon connaissait aussi mais pour l’avoir vu.
La stupeur le fit suffoqué, et la peur prit le relais après un intense moment de stupéfaction. C’est lui qu’il avait vu près du moulin, lui qu’il avait pris pour un père bienfaiteur, lui qui était l’objet de sa si grande culpabilité.

« Nous l’avons retrouvé, commissaire Belard, vous pouvez dès à présent stopper vos recherches. Nous l’avons capturés alors qu’il essayait de s’enfuir de France dans une voiture volée…pas très malin n’est-ce pas?
-C…ça pour sûr que c’était pas malin, monsieur le divisionnaire. »
Ils avaient capturés l’assassin, c’était terminé.

Les évènements se succédèrent vite après, et Léon n’entendit bientôt plus parler de cette histoire. Le commissaire toujours sous état de choc l’avait remercié de sa coopération, puis il était rentré chez lui, le moral à zéro.
C’est en lisant un journal, un matin, qu’il avait vu le petit encadré. Il indiquait que l’assassin du bois des cèdres devait purgé une peine de 5 ans pour avoir tué 3 jeunes filles … cela ne lui avait fait ni chaud ni froid, il ne voulait qu’oublier….
Oublier … oublier et reprendre son train de vie, cela n‘avait pas été chose facile. Pour cela, sa petite femme l’avait bien aidé. Elle avait tout fait pour qu’il se remette vite, l’avait soutenu. Malgré tout, le souvenir de ces jours affreux torturait toujours l’esprit de Léon. Il n’arrivait pas à accepter les propositions de sa femme d’aller voir un psychologue. Il pensait sincèrement qu’il ne lui servirait jamais à rien.

Pourtant, tout ces maux devaient bien refaire surface un jour ou l’autre, ils avaient besoin d’être extériorisés, et ils choisirent une nuit ventée apparaître au grand jour.
Ils étaient tout les deux au lit, sa femme et lui, une nuit claire mais bruyante. On entendait le vent s’engouffrer dans les tuiles, faire grincer les portails et gémir les chiens du voisinnage…

« -Monique … tu dors?
-N … non … non mon Léon qu’est-ce qu’il t’arrive?
-… Il y a que j’aurai quand même pu deviner … »
Monique avait tout de suite, par sa voix compris qu’il avait enfin décidé de parler, et elle l’écouta patiemment, sans l’interrompre.
« -Il faisait un beau soleil d’été ce jour là. J’étais heureux de me promener dans la forêt des cèdres…et c’est quand je suis arrivé à proximité du moulin que je les ai aperçus. Il y avait le père, et la fille, pour moi c’était clair, jamais je n’aurai pensé voir un assassin et sa victime. Elle était petit, mignonne comme un cœur … lui avait une allure normale, de père normal … tout était normal. Elle état allongée là, dans l’herbe verte près du moulin. »
Il eut alors quelques sanglots et plongea sa tête tout contre le corps de sa femme qui fût touchée de le voir ainsi.
« Lui … je ne me souviens même plus ce qu’il faisait. Elle dormait paisiblement, cette petite, illuminée de soleil …. Si j’avais su, si seulement je m’étais douté qu’on recherchait au moment même un assassin dans la région… mais non. Tu sais qu’il m’a parlé? Oui, il m’a parlé gentiment, sur le ton de la conversation. Il m’a dit que c’était une belle journée, je lui ai répondu tout sourire que « ça oui, il fallait en profiter », et j’avais continué mon chemin, heureux de cet échange… AH! mais enfin comment n’ais-je pas le remarquer, comment n’ais-je pas pu les voir … j’ai pris ça pour des cerises … quel idiot! Des cerises! Rouges comme cela, des cerises! C’est impensable! »
Il partit alors d’un long et profond sanglot, la tête maintenant sur les genoux de sa femme. Elle pleurait aussi, Monique, elle pleurait de l’innocence de son homme devant un spectacle si affreux. Il reprit en pleurant:
« - Nom de Dieu! Elle avait le cou tranché Monique !! Le cou tranché !! Et moi j‘ai pris ça pour des cerises!! … »
Ce fut en un long cri de douleur qu’il dit ces derniers mots. C’était fini, enfin le mal était sorti, le mystère dévoilé … mais jamais la culpabilité de Léon ne perdra de son ardeur … jamais … injustice envers un innocent … prison pour un coupable … mort …



Théo
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